KrISS feed 8.9 - Un simple et superbe (ou stupide) lecteur de flux. Par Tontof
  • Tuesday 16 April 2024 - 10:20

    C'est vendredi 19 avril à 20h à la Gueule Noire (16 rue du Mont)

    Attic Ted groupe gothique carnavalesque post punk venant du Texas. C'est une vieille basse avec une guitare électrique, des sons de synthé Casio, une clarinette, des bruits étranges, des chants fanatiques aux multiples personnalités mélangées.
    https://atticted.bandcamp.com/album/starfish-as-man

    Doux Leurre Avec son mélange singulier de punk-noise anarchique, de musique industrielle sauvage, de riffs étranges et hypnotiques, et de psychédélisme désenchanté aux accents parfois mélancoliques, ce trio amiénois semble nous délivrer un message simple :

    Derrière les doux leurres, tout n'est que douleur. Derrière les doux leurres du pouvoir et du confort moderne, derrière cette comédie humaine (trop humaine…) que nous ne cessons de jouer devant nous-mêmes et devant les autres, derrière ce jeu social hypocrite auquel nous nous plions continûment, la douleur s'étalant partout, sous mille formes diverses et variées – de la folie à l'esclavage, de l'isolement à la torture… mais aussi la douleur intime, tapie en chacun, chacune de nous, nous rongeant insidieusement les viscères et les os jusqu'à la moelle, et, en même temps, toujours prête à exploser au grand jour à la moindre étincelle.

    https://douxleurre.bandcamp.com/

    Jean-Paul – electro-pop frontale & glam
    Nantes, été 2021 ; après 10 ans d'amitié, de boire, de déboires et autres Nursery, Jean et Paul se décident à devenir le duo super-dansant Jean-Paul.https://jean-paulade.bandcamp.com/

    Minuit Ennemy
    - War 'n B - Sainté BB

  • Sunday 14 April 2024 - 18:52


    Vous pouvez retrouver cette grille et les règles qui l'accompagnent sur le blog zbeul2024. La grille sera maintenue à jour sur le site. C'est ausi possible d'y trouver une version imprimable.


    Règles du jeu

    Le principe est simple : tous-tes celle-ux qui souhaitent envoyer valser le monde qu'incarnent les JO jouent dans la même équipe. Chaque action sera recensée dans une chronologie, puis représentée par un tampon dans une seule grille commune.

    - La grille du bingo est composé de 30 cases : 5 colonnes et 6 lignes.
    - Chaque case propose un type d'action précise, et deux cases Joker sont présentes pour des actions si imaginatives qu'elles ne sont pas présentes dans la grille.
    - Le but : remplir chaque case d'une même ligne ou colonne, pour pouvoir crier « Bingo ! ». Et si on est persévérant, pourquoi pas, à terme, remplir la grille entière et crier « Carton plein ! ».
    - Lorsqu'une action est réalisée, elles est représentées dans la grille par un changement de couleur. Il y a 5 couleurs pour 5 niveaux : vert, jaune, orange, rouge et violet.
    - Pour qu'une case puisse passer au niveau supérieur, il faut que toutes les autres cases de sa colonne ou de sa ligne aient la même couleur, puis faire à nouveau l'action qui correspond.

    Diversité, répétition, originalité, toutes les stratégies sont bonnes pour gâcher cette fête qui n'est pas la nôtre !

    Même si la contestation contre les les jeux de Paris 2024 existe depuis plusieurs années, et que des gens se mobilisent à coup de réunions, tracts, affiches et actions ; on se contentera pour ce bingo des actions qui ont eu lieu depuis le début de l'année, et surtout celles à venir !

    (N'hésitez pas à envoyer un mail en cas d'oubli)

  • Sunday 14 April 2024 - 18:51
    le temps du champs clos où s'affrontaient deux armées est dépassé. Lorsqu'un conflit éclate, ce sont des millions d'êtres humains qui y sont mêlés malgré eux.
    Lettre à un képi blanc, Bernard Clavel, 1975.

    Vous connaissez cette chanson « tiens, voilà du boudin », chanson de marche officielle de la Légion Etrangère. Vous connaissez peut-être moins Ich hatt' einen Kameraden, une autre chanson officielle de la Légion empruntée à leurs petits camarades Waffen SS venus s'y enrôler en nombre après 1945.

    Ce mercredi 10 avril 2024, à 10h30, place Jean Jaures, c'était la « cérémonie des képis blancs ».

    Les képis blancs, c'est le surnom donné aux légionnaires, du nom de leur képi « blanchi sous le soleil d'Afrique ». Créée en 1831, la Légion étrangère a toujours été destinée à agir « à l'extérieur du Royaume », son principal fait d'arme étant sa participation à la colonisation de l'Algérie. Elle siégera d'ailleurs à Sidi Bel Abbès jusqu'en 1962.

    Le 26 janvier dernier, plus de 140 industriels de l'armement se réunissaient à la Cité du design pour entrevoir ensemble les « opportunités » qu'ils pourraient tirer des embrasements un peu partout dans le monde.
    En plus de Rochatte (ancien officier de l'armée de terre, puis contrôleur général des armées, avant d'être préfet de la Loire) , de Gassilloud (député du Rhône mais aussi président de la commission de la Défense nationale et des Forces armées) et des industriels, on y trouvait Denis Mistral, ancien chef de corps du 4e Régiment Etranger de Castelnaudary puis général commandant la Légion étrangère et désormais gouverneur militaire de Lyon.

    Vu le palmares d'un tel gratin local, on comprend mieux pourquoi c'est à Saint-Étienne, qui n'a pourtant pas de caserne, que les bidasses du 4e Régiment Etranger de Castelnaudary sont venus jouer de leur trompette et aérer leurs drapeaux moisis.

    L'uniforme à l'école, le SNU quasi-obligatoire, une Loi de programmation militaire à 413 milliards d'euros, le décret du 28 mars 2024 prévoyant la réquisition d'usines et personnels pour la production d'armes ; ce sont autant de sons de cloches qui annoncent à la fois les priorités du gouvernement et un avenir très sombre.

    Par ce genre de cérémonies militaires dans l'espace public, et après quelques sordides campagnes publicitaires de recrutement, on voit bien que l'armée tente de soigner son image.
    Pourtant, le nombre de guerres et de massacres étant malheureusement ce qu'il est, il n'est plus possible d'ignorer que ce sont les dirigeants qui déclarent les guerres et tous les autres qui subissent viols, massacres, et bombardements.
    Nous savons aujourd'hui que les industriels n'ont aucun scrupule à vendre leur camelote à n'importe quel camp, pourvu que ça rapporte.

    Ce jour-là et au même moment, une petite vingtaine de personnes se sont retrouvées place Jean Jaures, ont chanté des chants antimilitaristes ou déployé des banderoles contre la propagande militariste. Certes rapidement éloigné par les flics, c'était un petit pied de nez au désastre guerrier, à leur barnum « information/recrutement », et à la mise en scène de la hiérarchie, de l'honneur et de la bravoure viriliste.

    A bas la guerre, à bas l'armée et sa propagande !

  • Sunday 14 April 2024 - 18:50

    Depuis plusieurs années, une poignée d'agro-industriels tente de s'accaparer l'eau un peu partout dans le pays. C'est maintenant au cœur de l'Auvergne, dans la plaine céréalière de la Limagne (à l'est de Clermont-Ferrand - 63), qu'avance le plus grand projet de giga-bassines jamais conçu en France : 2,3 millions de m3 d'eau sur 330 000 m² de bâche plastique !

    On vous propose une réunion publique autour de ce projet méga-écocide ! On pourra parler de la rando festive du 11 mai, de l'évènement prévu en juillet, de la luttes des Sucs et de la plainte contre Darmanin.

    Officiellement, le projet des deux méga-bassines est porté par l'ASL des Turlurons, composée de 36 exploitations agricoles dont font partie le président de la multinationale Limagrain (4e semencier mondial) et 5 de ses administrateurs. Officieusement, c'est donc bien Limagrain qui pousse ce projet, dans l'intérêt de sécuriser sa production de maïs semence destinée à l'exportation, le tout financé à 70% par de l'argent public !

    Ces giga-bassines se rempliront directement par pompage dans un des affluents de la Loire, l'Allier. La zone est pourtant classée Natura 2000 et supporte localement l'alimentation en eau potable de plus de 200 000 habitant·es. Cet accaparement va de pair avec la dégradation des sols, l'assèchement des écosystèmes, l'anéantissement de la biodiversité et la pollution des eaux par l'usage intensif de la chimie agricole.

    Alors que les périodes de sécheresse sont de plus en plus fréquentes, longues et sévères, alors que l'approvisionnement en eau potable des populations est gravement menacé en Limagne et ailleurs, nous n'acceptons pas que l'agro-business s'accapare l'eau pour maintenir un modèle qui ne sert que quelque un·es.

    En défense de l'Allier, de ses affluents et des terres qui l'entourent, pour une agriculture paysanne contre l'emprise hégémonique et dévastatrice de l'agro-business : No Bassaran !

    Le 11 mai prochain, avant même le début des travaux, BNM 63, la Conf' Paysanne 63, Extinction Rebellion 63 et les Faucheurs Volontaires donnent un premier rendez-vous avec les Soulèvements de la terre pour une randonnée pédagogique, festive et artistique, contre le projet de deux giga-bassines de Limagrain !

    En attendant, on vous propose une réunion publique le 29 avril à l'Amicale Michelet avec un super programme :

    • blablater autour de ces deux bassines : échange d'infos, guide anti-bassine, annonce de la rando festive : informer le peuple stéphanois et organiser un méga co-voiturage !
    • manger du pop corn sans maïs devant le doc « Mégabassines, histoire secrète d'un mensonge d'État » de Clarisse Feletin, coproduit par Off Investigation et Reporterre.
    • signer avec nos stylos-éco-terre-eau-ristes la pétition, voir carrément porter plainte contre Darmanin et ses mensonges ! On vous explique tout ça !
    • manger et boire des trucs chouettes que tout le monde aura apporter histoire de partager nos luttes le ventre bien tendu.

    pour les infos supplémentaires :
    lsdt42 chez protonmail.com

    Personne ne peut se passer d'eau. On peut se passer de la FNSEA, de la domination, du capitalisme ! NO BASSARAN !

    Pour être hyper informé‧e sur la rando festive :
    De nouvelles infos seront bientôt disponibles sur le CANAL TÉLÉGRAM de la mobilisation : https://t.co/TRMMpNnxii

    Dans la Loire, on est déter !!!!
    Deux autres soirées publiques sont prévues : le 24 avril à Chamboeuf et le 5 mai à St Germain Laval !
    Pour plus d'infos, envoyez-nous un ptit mail, la prog est en cours ! On vous enverra les infos des orgas :-)





  • Saturday 13 April 2024 - 00:30

    Au sein du mouvement ouvrier stéphanois, les passementiers et les ouvriers du textile n'occupent pas le devant de la scène. Les premiers rôles sont plutôt tenus par les mineurs et les métallurgistes, souvent en première ligne des luttes ouvrières et impliqués dans des violences d'ampleur et de nature diverses. Si l'image de la ville rouge colle à Saint-Étienne, c'est donc bien plus à ses mineurs et à ses « métallo » qu'elle le doit qu'à des ouvriers du textile à la réputation beaucoup moins bagarreuse.

    Deux grèves en décalage avec la norme par leur violence

    Pourtant, dans l'histoire du mouvement ouvrier textile, on rencontre deux exceptions à ce calme apparent : 1848 et 1900. Nous allons tenter ici d'en comprendre les raisons.

    Tout d'abord, rappelons les faits. En 1848, les émeutes des 13 et 14 avril voient le saccage de plusieurs couvents (notamment les couvents de la Reine et de la Providence, ainsi que d'autres en ville et aux alentours). Ces couvents abritaient des métiers à tisser sur lesquels travaillaient des orphelines. Cette concurrence, jugée déloyale par les passementiers, fut à l'origine de la mise à sac des couvents (métiers brûlés, mobilier, linge, livres et provisions pillés ou détruits) ainsi que de plusieurs morts. Ce déchaînement de violence fut d'autant plus facile que les religieuses n'étaient pas en mesure de se défendre, et que les forces de l'ordre n'opposèrent guère de résistance aux émeutiers.

    En 1900, l'émeute du 4 janvier constitue le point culminant d'une grève générale des passementiers (et des mineurs) ; débutée en décembre 1899 sur le motif de revendications salariales (la question du paiement de la mise en train, et d'autre part l'éternelle question d'un Tarif des façons s'imposant à toute la Fabrique), elle ne devait s'achever qu'en février 1900. Là aussi, pendant quelques heures, on assiste à des scènes d'émeute dans le centre ville : tramway renversé, becs de gaz brisés, incendie du kiosque de la place Marengo. La violence s'exerce dans l'espace public : les émeutiers s'en prennent surtout au mobilier urbain, et cherchent l'affrontement avec les forces de l'ordre (du reste, les dix blessés de cette nuit d'émeute sont tous du côté de la police). Au-delà de l'émeute, on note des formes d'expression inhabituelles : défilés dans les rues, chants révolutionnaires, drapeau rouge…

    Hormis ces deux poussées de fièvre, on compte de nombreux conflits du travail et grèves au sein du textile stéphanois : des conflits entre chefs d'atelier passementiers et fabricants de ruban (notamment une importante grève des veloutiers en 1865) ; ou des grèves dans les usines textiles (Giron 1885, Brossy 1896, Courbon 1899…). Les enjeux en sont, dans la plupart des cas, des questions de salaires ou de conditions de travail ; mais ces conflits se déroulent dans un calme relatif, autour de formes d'action qui n'excluent pas totalement la violence, mais une violence beaucoup plus limitée dans le temps et dans l'espace : manifestations des grévistes aux portes des usines ; mise à l'index des fabricants par les chefs d'atelier (pour obtenir un tarif plus avantageux sur un nouvel article par exemple) ; représailles contre les chefs d'atelier supposés travailler à des conditions inacceptables (bris des vitres des ateliers) ; donc une « violence » ponctuelle, restreinte à la profession, qui ne déborde pas dans l'espace public.

    La norme dans le mouvement ouvrier textile est bien du côté de la modération : les passementiers, artisans, propriétaires de leur outil de travail, et souvent de leur maison, sont gens « raisonnables », que l'on peut classer (en simplifiant) parmi les partisans de l'ordre social et politique, et les bien-pensants sur le plan religieux. Il en va de même pour les ouvriers des usines textiles (dont une majorité d'ouvrières) : l'encadrement, et le contrôle social et patronal y garantissent la discipline. On aurait du mal à trouver parmi eux de dangereux révolutionnaires.

    La violence de 1848 et de 1900 est ainsi en décalage avec cette norme : elle est perçue comme telle par les contemporains des événements comme par la mémoire collective de la profession, qui voient dans ces épisodes des dérapages indignes des passementiers « dont la réputation est celle d'ouvriers sérieux, dignes, modèles », selon les termes d'un tract anonyme de janvier 1900, probablement d'origine patronale. Cela les amène à chaud à émettre des hypothèses pour comprendre pourquoi les passementiers ont pu se livrer à de tels excès ; hypothèses que l'historien peut reprendre et soumettre à la critique, en les complétant par ses propres interprétations.

    Des passementiers victimes des débordements

    La première de ces hypothèses est que les vrais responsables des violences ne sont pas les passementiers, mais des voyous : « une poignée de gens sans aveu » d'après la proclamation du conseil municipal du 19 avril 1848 ; « des individus louches », selon Victor Gay dans le journal La Liberté du 8 janvier 1900 ; des voyous qui ont profité d'une situation confuse pour se livrer au pillage et à la destruction. Cette interprétation est en partie confirmée par les sources : en 1848, sur les 134 individus arrêtés dont on connaît la profession (sur un total de 250), on ne compte que 36 passementiers ; les autres sont tous des ouvriers (ce qui ne signifie qu'ils soient tous des voyous !), mais ils ne sont en effet pas issus du textile. De même, en 1900, on ne compte que trois passementiers sur les 34 personnes interpellées. Ainsi, les passementiers auraient été débordés par une foule déchaînée et incontrôlable. Sans doute… Mais pas plus que dans d'autres manifestations, ouvrières ou non, qui attirent une clientèle désireuse avant tout d'en découdre.

    Des contextes politiques nationaux sensibles

    La deuxième hypothèse explique les émeutes par le contexte politique national. C'est ce que dit, à la fin de l'année 1848, le maire de Saint-Étienne, Heurtier : « ces tristes événements ont eu lieu au mois d'avril dernier quand le sol retentissait encore de la chute d'un trône ; au milieu du bouleversement des hommes et des choses, des institutions et des lois ; quand une révolution, non seulement politique, mais sociale, avait changé tous les rapports, rompu tous les liens de respect, de soumission et d'obéissance à l'ordre légal depuis longtemps établi ». C'est également l'avis du commissaire spécial après l'émeute de janvier 1900 : « les gourdins qu'on a vus aux mains de tout jeunes gens étaient antisémites et nationalistes, et n'avaient rien de commun avec les passementiers ». Les passementiers auraient fait les frais d'un climat général où les garde-fous habituels de l'ordre ne jouaient plus leur rôle : la situation révolutionnaire en 1848 ; et en 1900 le climat de tensions entre les républicains et leurs adversaires, sur fond d'affaire Dreyfus et de violences des Ligues. On admettra que dans les deux cas, l'environnement était en effet porteur.

    Des situations locales particulières

    Autre environnement porteur : celui du contexte politique local, qui fournit aux observateurs une troisième hypothèse. On constate dans les deux cas que ces violences coïncident avec un moment-clé de l'histoire politique stéphanoise.

    En 1848, au soir même du 14 avril, la municipalité formée en février et conduite par Hippolyte Royet, est remplacée par une autre, toujours dirigée par Royet, mais dont la composition sociologique et les orientations politiques sont singulièrement différentes. D'une part sur le plan social : les anciens notables (fabricants de ruban, à l'exception de Royet, gros négociants, manufacturiers) cèdent la place aux capacités (professions libérales, ingénieurs) ; parmi les nouveaux conseillers, aucun électeur censitaire, sauf Royet. D'autre part sur le plan politique : les orléanistes sont balayés par des républicains, démocrates aux idées avancées, dont la plupart sont membres de la Société Populaire. Cette dernière, et notamment un de ses membres les plus influents, Tristan Duché, également sous-commissaire du gouvernement provisoire chargé de la sécurité, aurait utilisé l'émeute pour s'emparer du pouvoir municipal, et au-delà peser sur les élections à l'Assemblée Constituante. En laissant se développer la violence populaire, tout en la contenant dans certaines limites, Duché donne l'image d'une République garante de l'ordre, mais soucieuse des intérêts des ouvriers, qui peuvent lui faire confiance. Mais les sources ne prouvent rien, et certainement pas que la Société Populaire serait à l'origine de l'émeute.

    On retrouve en 1900 un scénario proche de celui de 1848 : quelques semaines après l'émeute de janvier, les élections municipales se soldent par une victoire de la gauche socialiste. C'est Jules Ledin, jeune chef d'atelier de 33 ans, secrétaire du syndicat des passementiers et principal leader de la grève, qui accède au fauteuil de maire, devenant le premier ouvrier maire de Saint-Étienne. Il remplace Chavanon, maire républicain opportuniste, et par ailleurs fabricant de ruban réputé pour mal payer ses passementiers. De quoi accréditer l'idée que la grève, et les violences qui l'ont accompagnée, ont servi de marchepied à la gauche stéphanoise. Or, présenté ainsi, un tel raccourci est inexact : la grève n'a, à l'évidence, pas pour objectif direct la conquête du pouvoir municipal (là encore, les sources sont claires) ; cependant, selon les théories de Jaurès lui-même (présent à Saint-Étienne au moment des faits pour participer à la rédaction d'une sentence arbitrale dans le conflit des mineurs), elle permet aux travailleurs de s'organiser, et constitue un moyen de pression utile dans le rapport de forces avec la Bourgeoisie. Ici, en affaiblissant les notables de la Fabrique, elle a pu contribuer à ce glissement vers la gauche de l'électorat stéphanois ; mais c'est plus la grève que la violence qui est en cause.

    Le monde ouvrier du textile en mutation

    À ces hypothèses, qui comportent toutes leur part de vérité, nous pouvons en ajouter une dernière, sans puiser cette fois dans l'arsenal de « bonnes raisons » avancées par les contemporains des faits pour expliquer ces deux épisodes de violence. Pour tenter de les comprendre, il nous semble qu'il faut s'aventurer hors du terrain strictement politique, pour risquer un éclairage socio-économique.

    Ces deux accès de violence coïncident avec des moments de crise économique ; mais surtout avec des étapes importantes de l'histoire sociale de la rubanerie. 1848 représente le moment où la Fabrique se ferme, et où les possibilités d'installation des chefs d'atelier comme fabricant de ruban se restreignent. Sans perspective d'ascension sociale, les passementiers aligneraient alors leurs comportements sur ceux du prolétariat ouvrier. Quant à 1900, on sait que la grève a été déclenchée par les compagnons sur la question du paiement de la mise en train ; leur syndicat, la Ligue pour le relèvement des salaires, y a tenu le premier rôle, alors que les syndicats plus anciens rassemblant les chefs d'ateliers sont restés en retrait. Cette position offensive des compagnons est une sorte de baroud d'honneur d'une profession condamnée à plus ou moins court terme : en effet, les relations chefs d'atelier / fabricants sont de plus en plus des relations d'employeurs à employés, où le compagnon n'a plus sa place. D'où à la fois, la salarisation des chefs d'atelier, et la disparition des compagnons.

    La violence se trouve donc exacerbée dans ces époques de transition où la structure sociale et économique de la Fabrique se trouve ébranlée dans ses fondements. A contrario, dans un cadre socio-professionnel plus stable, c'est-à-dire la Fabrique quand elle fonctionne bien, ou l'usine avec des liens hiérarchiques clairs, on n'enregistre pas de dérapage de cet ordre.

    La violence reste l'exception mais contribue à l'image de la ville rouge

    À l'évidence, la violence n'apparaît pas comme faisant partie de la « culture » passementière. Elle est l'exception, qui survient dans un contexte bien particulier, à la croisée de multiples éléments favorables à son surgissement. Mais quand elle survient, elle contribue à conforter l'image de Saint-Étienne ville rouge : quantitativement d'abord, en allongeant la liste des émeutes populaires ou ouvrières ; qualitativement ensuite, et plus encore, en faisant la démonstration que, dans cette ville, même les ouvriers les plus paisibles peuvent se transformer en hordes déchaînées. Ainsi, entre réalités et représentations, les épisodes de 1848 et 1900 peuvent nous permettre de saisir un peu mieux la nature et les spécificités du mouvement ouvrier local.

    Brigitte CARRIER-REYNAUD, maître de conférences en histoire contemporaine,
    université Jean-Monnet, IERP

  • Friday 12 April 2024 - 00:30

    Un commando de minimum 70 mercenaires (ex-paras pour beaucoup) armés de manches de pioche, commandés par le colonel Cocogne (ex-aviateur recruté par Peugeot) tabassent et expulsent les ouvriers qui occupent l'usine de Saint-Étienne, dans le quartier Bellevue. Un événement marquant en cette année 1973, le mai 68 stéphanois. Article publié sur le blog 1968-73 Saint-Étienne révolutionnaire et repris d'un article d'époque du journal L'Unité.

    Vous pouvez également écouter cette émission du Gremmos (Groupe de recherche et d'étude sur la mémoire du mouvement ouvrier stéphanois) : Le conflit de Peugeot de 1973

    Et lire cet article de Michelle Zancarini-Fournel sur 1973, le mai 68 stéphanois.

    « La fête est finie. Rentre là-dedans ! »

    II est 3 h 30 du matin, jeudi 12 avril 1973. Marcel Faure, 28 ans, émailleur à l'usine Peugeot de Saint-Étienne, vient, comme il le racontera plus tard, de sortir de l'atelier B 16 pour prendre l'air. Face à lui, une dizaine d'hommes, revêtus de treillis verts et manches de pioche à la main. Il n'y a pas à discuter : Marcel Faure recule aussitôt vers la cabine des gardiens, près du portail d'entrée. Trois ouvriers, grévistes comme lui, y sont déjà enfermés.

    Puis, comme l'attention des hommes en treillis se relâche un instant, Marcel Faure en profite pour se glisser entre la cabine et le mur d'enceinte de l'usine. La voie est sans issue, il est bloqué. Les coups de matraque pleuvent. A moitié assommé, le crâne en sang, Faure est traîné à l'intérieur de la cabine des gardiens. Peu à peu, tous ses camarades du piquet de grève seront, comme lui, faits prisonniers. Eux aussi se sont laissés surprendre.

    Dernière précaution, les hommes du commando disposent aussitôt deux containers devant la porte de la cabine où s'entassent les grévistes. A 4 h 30 du matin, l'usine est « nettoyée » des quelques dizaines d'ouvriers qui l'occupaient.

    Une semaine plus tôt, le mercredi 4 avril, le travail s'était arrêté aux usines de Peugeot de Saint-Étienne. Les ouvriers de la « tôlerie » avaient prépare un cahier de revendications, l'avaient soumis aux autres ateliers, puis présenté à la direction. Qui refusait d'en discuter.

    Réaction immédiate : la grève — avec occupation— est votée par la grande majorité des 1 050 ouvriers. Les syndicats (C.g.t., C.f.d.t., et F.o.) demandent à la direction l'ouverture de négociations. Nouveau refus : « Évacuez l'usine, reprenez le travail et nous discuterons. » Peugeot choisit l'épreuve de force.

    Comme il est habituel lorsqu'une grève éclate dans quelque usine de l'empire Peugeot, la stratégie à appliquer sur le terrain est dictée de Paris. Le directeur de Saint-Étienne, Jean Charrel, 49 ans, ne sera donc que le pâle exécutant des décisions prises par l'état-major de la firme.

    Et les grandes manœuvres commencent. Les grévistes occupent les trois quarts des locaux. La direction y fait aussitôt couper téléphone et chauffage. Elle regroupe les non-grévistes dans l'immeuble administratif, « le Château », et dans une partie de l'atelier des compresseurs.

    L'escalade continue le lendemain. L'état-major parisien dirige vers Saint-Étienne quelques groupes d'ouvriers sûrs, prélevés dans ses autres usines. Avec l'aide de plusieurs dizaines de non-grévistes, ces « jaunes » pénètrent dans l'entreprise et tentent de remettre certaines machines en route. Sans grand succès.

    Cela n'empêchera pourtant pas Jean Charrel, le directeur, d'annoncer à la presse, jour après jour, que le travail va reprendre, dès le lendemain, et que les grévistes sont de plus en plus isolés. Mais personne ne le prend vraiment au sérieux.

    Le général et le colonel

    Le général Feuvrier, lui non plus, n'a pas haute opinion de Jean Charrel. Il lui a d'ailleurs dépêché du renfort, la veille de la grève, en la personne de François Cusey. Cet ingénieur de 39 ans, père de 4 enfants, suivait un séminaire à l'École des Hautes études commerciales de Jouy-en-Josas, lorsqu'un coup de téléphone l'a rappelé au siège social de la firme, 75, avenue de la Grande-Armée. Le soir-même, François Cusey prenait l'avion pour Saint-Étienne.

    A peine arrivé, premier compte rendu téléphonique au général Feuvrier pour lui exposer la situation. Elle n'est pas bonne. Jean Charrel fait bien ce qu'il peut, mais cela ne suffit pas. Trois jours plus tard, le vendredi 6 avril, l'envoyé spécial du général retourne à Paris assister à une réunion de l'état-major Peugeot. Samedi matin, enfin, François Cusey repart pour Saint-Étienne, nanti de consignes brutales.

    A l'heure où l'ingénieur François Cusey arrive de Paris, le 7 avril, les juges du tribunal des référés viennent de rendre publique leur décision. Ils autorisent Peugeot à faire appel aux forces de l'ordre pour chasser les piquets de grève de l'usine. Une première victoire.

    Le mardi 10 avril, Jean Charrel demande donc au préfet Paul Camous d'appliquer la décision du tribunal. Il se heurte à un refus poli. Le préfet sait parfaitement que si la police s'en mêle, il y aura de la casse. Mieux vaut donc attendre. Première déception pour Peugeot.

    Tandis que traînaient en longueur ces démarches officielles, l'état-major parisien et ses deux représentants à Saint-Étienne, François Cusey et Jean Charrel, mettaient au point une technique de remplacement. Le temps presse. A Sochaux, les chaînes de montage des 304 et des 504 commencent à manquer de pompes à huile et des autres pièces que fabriquaient les grévistes de Saint-Étienne. En quatre jours, Peugeot a déjà vu sa production quotidienne de voitures baisser de 50 unités (le 11 avril, par exemple, l'usine Peugeot de Lille ne fabriquait plus que 250 moteurs au lieu des 450 habituels). Il faut donc tout faire pour éviter l'asphyxie.

    Dimanche 8 avril, dans la soirée, avec l'accord de la direction générale de la firme, le général Feuvrier donne ses ordres. Il faut « nettoyer » l'usine de Saint-Étienne par une opération commando.

    Sur le papier, tout est simple. Les mercenaires attaqueront tard dans la nuit. A cette heure, les hommes des piquets de grèves seront peu nombreux et ensommeillés. L'usine sera rapidement « libérée ». Des équipes venues de Sochaux, Mulhouse et Dijon récupéreront ensuite des pièces et aussi des matrices pour reprendre, ailleurs qu'à Saint-Étienne, la fabrication des pompes à huile. Si l'opération réussit, les non-grévistes pourront revenir dès l'aube et remettre en route les chaînes.

    La grève sera cassée

    La mobilisation est train. A Sochaux, le colonel Henri Cocogne, responsable des opérations « spéciales » à la direction du personnel, a passé en revue , les 6 et 7 avril, les hommes dont il dispose. Deux jours plus tard, c'est un lundi, le colonel a fait son choix et sélectionné les meilleurs. Très tôt le matin, il téléphone dans les ateliers et les bureaux où ses gens travaillent et leur annonce leur départ pour Saint-Étienne dans l'après-midi. Rendez-vous est pris à la gare de Montbéliard.

    Sur le quai, le colonel Cocogne retrouve 16 hommes. Tous de fidèles employés de Peugeot : entre 5 et 10 ans de maison. Et une équipe parfaitement homogène : il n'y manque même pas le militant de service de la C.f.t. Le colonel en tête, le groupe embarque dans le train pour Lyon. Les 16 hommes y arriveront dans la soirée du 9 avril, et s'installeront dans un foyer de travailleurs célibataires. Quand au colonel, il ira sur le terrain fignoler les derniers préparatifs de l'opération.

    D'autres hommes ont été mobilisés dans d'autres usines Peugeot. 24 ont quitté celle de Dijon, 11 celle de Mulhouse et 2 celle de Bart. Eux aussi arrivent à Lyon et s'installent dans un foyer. Mardi matin, le colonel Cocogne dispose donc déjà de 53 hommes pour constituer ses différents commandos. Mais cela ne suffit pas.

    Il lui faut encore battre le rappel. Et faire venir auprès de lui un homme comme Michel Monneret. Cet employé administratif est, depuis le 1er avril en vacances chez son frère et, quelle chance, à Saint-Étienne même. Le colonel Cocogne téléphone et Monneret accepte aussitôt de sacrifier quelques jours de repos pour casser du gréviste. Son passé a fait de lui un employé discipliné : 22 ans d'armée pour un grade d'adjudant à la sortie.

    Quelques jours plus tôt, à Paris, dans un bureau du 109 de la rue de Courcelles, dans le 17e arrondissement, Marcel Michaut, responsable de la C.f.t. chez Berliet [1] était en conversation avec son ami Albert Gaillard, lorsqu'un coup de téléphone leur a demandé de se rendre au siège social de Peugeot. Ces deux hommes sont des experts : ils ont commencé à mettre en place pour Paul Berliet et son directeur du personnel Paul Brejeon, une véritable organisation policière à l'intérieur des usines de Vénissieux.

    Peugeot a fait école. Avec l'aide de la C.f.t., grâce aux subventions de Berliet, Albert Gaillard est alors à la tête d'un réseau d'agences d'intérim : Siter, Sertra, Itet, etc. On y recrute pour Berliet des « jaunes » et autres ouvriers très spéciaux. Joli travail, mais la carrière d'homme d'affaires d'Albert Gaillard touche pourtant à sa fin : le 22 octobre 1973, il se verra interdire l'exercice de toute profession commerciale et industrielle.

    Dès leur arrivée au siège de Peugeot, Marcel Michaut et Albert Gaillard sont vite introduits dans le bureau du général Feuvrier. Quelques mois plus tard, Marcel Michaut racontera ainsi cette entrevue : « Nous avons discuté quelques minutes avec Feuvrier. Il a dit à Gaillard : « L'usine est occupée. Il faut me vider tout cela le plus rapidement possible. » Aussitôt, nous avons pris l'avion pour Lyon. Puis nous sommes allés à Saint-Étienne et avons pénétré dans le bâtiment de la direction, qui n'était pas occupé par les grévistes. »

    Là, Marcel Michaut et Albert Gaillard se feront remettre le plan des lieux. Au siège lyonnais de la Siter, 20, rue Creuzet, Gaillard recrutera ensuite une équipe supplémentaire. Dix hommes de plus pour le colonel Cocogne

    Place du Châtelet, toujours à Paris, le lundi 9 avril, sept hommes ont rendez-vous autour de 21 h. Parmi les premiers arrivés, Jacques Schnell, 48 ans, surnommé « Tarass Boulba ». Il a été contacté, la veille, au bar de l'Association des anciens combattants de l'Union française, rue Saint-Joseph. Pour cet ancien parachutiste devenu déménageur, le raid prévu est une occasion de gagner facilement de l'argent : on lui promet 200 F par jour. Une aubaine qu'il a voulu faire partager à l'un de ses amis, un ancien para, lui aussi dans la débine, Christian Mercier. Tous deux partiront pour Lyon dans une Simca 1300, immatriculée 5370 YF 75, qu'un autre mercenaire, Michel Boetz, a loué chez Mattéi quelques heures plus tôt. Pour couvrir les frais du voyage, Boetz a reçu une avance, dans l'après-midi, au siège parisien de la Siter.

    Le même soir, une autre voiture quitte la place du Châtelet. Au volant, Paul Tombini, 37 ans. C'est le prototype du mercenaire Peugeot : ancien parachutiste du 1er Rep, ancien de l'0.a.s., engagé comme mercenaire à Sochaux, Tombini, interpellé à plusieurs reprises par la police, est cependant resté un employé modèle pour la firme. Arrêté une nouvelle fois, pour vol, puis condamné à deux mois de prison, Peugeot ne lui aura pas tenu rigueur de cette application dans la récidive. Une fois encore, on fait appel à lui.

    C'est un meneur d'hommes, Paul Tombini. La veille de son départ pour Saint-Étienne, il a recruté, dans un bar proche de la Bastille, Bernard Melero, 30 ans, un pied-noir du Maroc. Ce sergent-chef du 94e régiment d'infanterie motorisée va profiter d'une permission pour jouer au mercenaire. Autre candidat au voyage, Hervé Valère, 30 ans, un ancien para reconverti dans la plongée sous-marine, rejoint place du Châtelet Tombini et Melero, suivi de près par Ferenc Bodo, un ancien légionnaire d'origine hongroise. A chacun, Paul Tombini a promis 5 billets de 100 F. Deux voitures, six hommes et un chef : Paul Tombini. Le colonel Cocogne fera de cette équipe l'avant-garde de ses commandos.

    Au soir du mardi 10 avril, 70 hommes [2] sont prêts. Pour les conduire de Lyon à l'usine de Saint-Étienne, trois cars sont loués à la société Philippe par Alfred Fabry, responsable à l'information du syndicat C.f.t.-Berliet. Tout est paré. A 15 h, Paul Tombini prévient les six hommes de son équipe : « L'opération est pour cette nuit. »

    Peu avant minuit, un premier car bleu et jaune prend la route de Saint-Étienne. Les occupants des deux autres resteront « en réserve ». Le rendez-vous avec les voitures d'accompagnement est fixé rue de la Monta, à Saint-Étienne, en face d'une station-service Elf. Le colonel Cocogne a tout réglé jusqu'au moindre détail : à ceux qui n'ont pas revêtu leur battle-dress, il fait distribuer des bleus de travail.

    A 2 h 30 du matin, le car du premier commando, encadré par les deux voitures de l'équipe Tombini, se dirige vers les usines Peugeot. Pour que la bande soit vraiment au complet, il ne manque plus que Jean-Claude Hourdeaux. Quelques minutes avant l'attaque, celui-ci rejoint le commando dans la rue Gutenberg, qui longe l'une des usines Peugeot. Ancien parachutiste, bien sûr, ancien de l'O.a.s., naturellement, ancien d'Ordre nouveau, comme il se doit. Jean-Claude Hourdeaux, 36 ans, est l'un des responsables de la sécurité à l'usine Peugeot de La Garenne, dans la banlieue de Paris. C'est un sportif et un méchant. De temps en temps, Hourdeaux participe à des stages d'entraînement parachutiste. Et ce n'est pas seulement pour se maintenir en forme.

    Ce petit chef a la confiance du général Feuvrier. Jean-Claude Hourdeaux a en effet suivi depuis le début la mise au point du raid de Saint-Étienne. C'est aussi un ami de Paul Tombini : tous deux ont combattu dans le même régiment, au temps de la guerre d'Algérie. Mercredi soir, Jean-Claude Hourdeaux a quitté Paris à bord de sa voiture. Il a roulé vite dans la nuit pour ne pas manquer l'heure « H » : 3 h 30 du matin, le jeudi 12 avril.

    Clôture cisaillée à la pince

    Le long de l'enceinte de l'usine, rue Gutenberg, les six hommes de Paul Tombini passent les premiers à l'action. L'un d'eux, Jacques Schnell, racontera plus tard : « A l'aide de pinces coupantes, nous avons cisaillé la clôture de l'usine et nous sommes entrés par derrière afin de surprendre le piquet de grève. »

    A leur suite, le colonel Henri Cocogne, François Cusey, Jean-Claude Hourdeaux et les hommes de Mulhouse et de Sochaux s'engouffrent dans la brèche. Tous confondus dans l'action, du colonel aviateur breveté au truand déjà confirmé.

    Première action d'éclat, ils interceptent un premier ouvrier, Marcel Faure, et le passent à tabac. Avec les armes du bord. Lors de son interrogatoire par la police, le 20 août 1974, Jacques Schnell précisera : « Nous avions des matraques, des chaînes de vélo, des grenades à plâtre et autres engins de ce genre. Ce matériel nous a été donné à Saint-Étienne. »

    Le commando poursuit sa progression. Dans l'atelier d'outillage, les hommes en treillis tombent sur 20 autres grévistes. Matraque dans les côtes, ces derniers se feront conduire jusqu'à la cabine des gardiens pour y être à leur tour enfermés.

    La petite armée du colonel Cocogne se dirige ensuite vers la seconde usine Peugeot. Un ouvrier, Roger Dubœuf, sort dans la cour pour voir ce qui se passe et reçoit aussitôt une barre de fer dans le genou gauche. Malgré sa blessure, il parvient à s'enfuir par le toit.| D'autres grévistes, constatant qu'ils ne font pas le nombre, suivent le même chemin. F A chacune des haltes de son commando, le colonel laisse quelques hommes pour couvrir ses arrières. Les leçons de l'Ecole de guerre,' ; sans doute.

    A 4 h du matin, le colonel Henri Cocogne, François Cusey, Jean-Claude Hourdeaux et Paul Tombini pénètrent dans les locaux de la direction. Ils y retrouvent le directeur de l'usine, Jean Charrel et Jean-Marie Maulpoix, un ancien journaliste de « l'Est Républicain ». A leurs côtés, déjà parvenus jusqu'à ces bureaux, une quarantaine d'autres mercenaires qui ont pénétré dans l'usine par l'avenue de la Rochetaillée, sans rencontrer la moindre opposition. Mission accomplie.

    Les mercenaires et les « jaunes »

    Maintenant, le travail va pouvoir reprendre. L'état-major parisien a, une fois de plus, tout prévu. Des mercenaires vont remettre certaines machines en route et charger dans des camions les pièces qui font défaut à Sochaux. D'autres surveilleront les grévistes prisonniers et les relâcheront avant l'aube par groupes de trois. A l'heure de la première prise de poste, les non-grévistes, convoqués un par un dans la soirée et, pour certains, en pleine nuit, arriveront à l'usine. Ainsi, le travail reprendra comme si rien ne s'était passé. Sur le papier, tout est simple.

    La réalité sera moins brillante. Tout d'abord les hommes du colonel Cocogne se révèlent incapables de remettre la moindre machine en marche. Quant au chargement des camions, ils ne s'y intéressent guère, malgré tes ordres.

    A la première heure du matin, les non-grévistes —200 au maximum — arrivent à l'usine. Ils y découvrent alors les hommes des commandos, leur armement et la trace des bagarres de la nuit. Malgré les adjurations de Jean Charrel et du colonel Cocogne, ils ne reprennent pas le travail. A l'extérieur de l'usine, les cris des grévistes, rassemblés devant les portes, se font de plus en plus violents. Les « jaunes » ne sont jamais des héros.

    L'usine est cernée. La nouvelle de l'intervention des commandos s'est vite répandue dans Saint-Étienne et les grévistes sont venus aux] portes de leur usine. Peu à peu, ils en bloquent toutes les issues. Dès le début de la matinée, des grèves spontanées éclatent dans les entreprises voisines. Des ouvriers viennent rejoindre ceux de Peugeot. Les « jaunes » préfèrent alors quitter bien discrètement les lieux. Autour de Jean Charrel, Henri Cocogne, François Cusey et Jean-Claude Hourdeaux, il ne reste bientôt plus que des mercenaires.

    La direction de Peugeot, à Paris, commence à s'inquiéter. Les radios, dans leurs journaux du matin, racontent le raid de la nuit. On y parle de commandos, de bagarre, du style « para » des assaillants, etc. Rien de très bon. Les coups de téléphone entre Paris et Saint-Étienne se font alors plus nombreux, plus tendus. Il faut trouver une issue. En attendant, un communiqué de Peugeot affirme que les commandos « étaient constitués de gardiens appartenant à la société ». Il faut bien dire quelque chose.

    A 11 h 30, par l'intermédiaire du préfet de la Loire, la direction prend contact avec les délégués syndicaux. Elle promet que l'usine sera évacuée à 15 h ; que les négociations, obstinément refusées depuis une semaine, s'engageront aussitôt. De son côté, le préfet annonce simplement que l'usine sera gardée par les policiers. Dans l'attente d'un accord entre direction et syndicats.

    A 15 h, l'évacuation commence. Sous la protection des C.r.s. et des policiers de Saint-Étienne, les premiers mercenaires embarquent dans les estafettes bleues de la police locale. Quelques-uns reçoivent au passage des boulons et des bouteilles vides lancés par les grévistes. On échange des coups. Un commissaire est atteint d'une pierre en plein front... Quelques instants plus tard, un groupe d'ouvriers arrive à pénétrer dans l'usine. Les hommes du colonel, surpris, prennent une correction.

    Certains s'enfuient par les toits et quittent le quartier sans demander leur reste. D'autres ont moins de chance : les grévistes les rattrapent. Le dernier carré se réfugie dans le bâtiment de la direction autour du colonel Cocogne et attend l'arrivée des policiers. A 16 h, les six derniers quittent l'usine derrière les grillages d'un car aux vitres brisées.

    Une vraie débâcle

    37 hommes se retrouvent ainsi à l'hôtel de police de Saint-Étienne. Parmi eux, le colonel Henri Cocogne, ses adjoints et les autres participants de « l'opération-commando ». La police relève leurs noms, puis les relâche en fin de journée. Il ne leur reste plus qu'à quitter la ville.

    Le colonel embarque ses hommes dans un car qui les conduit à la gare de Lyon-Perrache. Et là, direction Montbéliard et Mulhouse. Les hommes de Paul Tombini, eux, regagnent Paris par la route et par train. Enfin, François Cusey, Jean-Claude Hourdeaux et Jean-Marie Maulpoix s'en vont à Paris raconter la débâcle au général Feuvrier.

    Chacun recevra son dû. Peugeot est une maison sérieuse : elle règle toujours ses dettes. Ceux de Sochaux, Mulhouse, Bart et Dijon se verront accorder des primes substantielles en fin de mois. Les hommes de Paul Tombini recevront chacun leurs 5 billets de 100 F. Pour sa prestation de service, la Siter d'Albert Gaillard aura droit à 5 millions d'anciens francs en trois versements. Le général Feuvrier réglera lui-même ce petit problème d'intendance.

    Le colonel Henri Cocogne, enfin, enverra une lettre au dirigeant de la C.f.t., Marcel Michaut, pour le remercier de son aide. C'est un homme bien élevé. Les tribunaux ne connaîtront jamais rien de cette affaire. Cinq ouvriers, membres du piquet de grève, porteront plainte pour coups et blessures. Le juge d'instruction Lalanne ouvrira une information, contre X, pour « coups et blessures volontaires ». Des policiers interrogeront les 37 hommes du commando dont ils possèdent l'identité ; ils le feront sans zèle, d'ailleurs. Et tous mentiront : les cadres de Peugeot comme les truands.

    L'élection de Giscard à la présidence de la République leur évitera de se retrouver, fraternellement unis, dans un procès public. L'amnistie présidentielle tombera à point nommé. Elle sauvera Peugeot d'une condamnation inévitable.

    Le 17 décembre 1974, le procureur de la République de Saint-Étienne rend une ordonnance définitive de non-lieu. « Attendu que les faits dénoncés auraient été commis le 12 avril 1973, qu'à les supposer établis, il s'agirait de délits commis à l'occasion d'un conflit du travail. Qu'ils se trouvent donc amnistiés, par application des dispositions de l'article 2 de la loi du 16 juillet 1974 portant amnistie. »

    Depuis, la vie continue. Le général Charles-Valère Feuvrier, le colonel Henri Cocogne, François Cusey, Jean-Claude Hourdeaux et beaucoup d'autres travaillent toujours chez Peugeot.

    ANGELI Claude et BRIMO Nicolas, L'Unité

    Tiré des « cahiers de mai »

    [1] Marcel Michaut quittera la C.f.t., le 18 décembre 1973. Il fournira alors à la C.g.t. de nombreux documents sur son ancien « syndicat ».

    [2] Ce chiffre de 70 est un minimum. Il est probable que les membres des commandos de Saint-Étienne étaient plus nombreux. Nous nous en sommes volontairement tenus à ces 70 dont nous possédons les identités précises et contrôlables.

  • Wednesday 10 April 2024 - 22:18

    Ce texte a été publié en 1991 dans le zine NN, soit Nomen Nescio (« nom inconnu ») la locution latine utilisée aux Pays-Bas par les flics pour désigner une personne sous X. Il fait le récit de luttes qui, entre 1984 et 1986 à Amsterdam, ont chahuté la ville dans sa candidature pour accueillir les JOP d'été 1992. En PDF imprimable en fin d'article.

    Le Comité International Olympique (CIO) désigne une ville hôte plusieurs années avant chaque édition. Les sélections pour 92 s'ouvrent donc au milieu de la décennie 1980, période riche en mouvements de contestation très affirmés en Hollande, notamment autour des squats, milieux autonomes et révolutionnaires, contre par exemple la gentrification, l'apartheid ou encore les politiques d'immigration.
    La candidature finira par être rejetée, au bout de deux années d'agitations audacieuses.

    « Nolympics » semble avoir été repris plusieurs fois depuis, pour désigner les antagonismes au CIO dans différentes régions du monde, lorsqu'il compte y mettre les pieds.


    « Populaire ou pas, l'action directe permet de maintenir des questions importantes dans l'actualité et les conversations privées : saboter un barrage destructeur de l'environnement peut apporter ses effets écologiques, que les gens approuvent ou pas le sabotage lui-même. L'action directe peut donner à un groupe un poids politique et social : dans les années 1980, les squattereuses néerlandais⋅e⋅s faisant face à la menace d'expulsion ont démontré leur force avec une campagne ciblée de harcèlement et de vandalisme qui a fait perdre à Amsterdam sa candidature en tant que ville hôte pour les Jeux Olympiques, et ainsi gagné un avantage dans la négociation avec la ville pour leurs maisons. »


    Recipes for Disaster : An Anarchist Cookbook
    (CrimethInc., 2004)

    « Une des raisons pour lesquelles Amsterdam a perdu sa candidature pour les JO de 1992, ouvrant la voie a une gentrification agressive à Barcelone, est qu'un groupe déterminé d'autonomes, de squattteureuses, et d'anarchistes était stratégiquement attentif aux mouvements de leurs adversaires, a eu vent des projets, et lança une campagne créative, perturbatrice, tenace pour harceler le Comité Olympique et promettre un désastre si les Jeux venaient dans leur ville. »

    Peter Gelderloos (ROAR Magazine, 2015)

    « On ne sait pas pour le moment comment procéder. Il n'ya pas encore de projets concrets. On veut examiner comment s'est passée la campagne à Amsterdam et ce qu'on peut en apprendre. Ce qu'on a entendu jusqu'à présent nous semble très bien, en particulier le fait de rendre les choses publiques et de prendre en chasse le CIO pour ouvertement attirer l'attention. De plus on va probablement mener des actions sur les sites en construction et expliquer aux riverain·e·s les conséquences : ainsi on espère que l'opposition s'y développe également. »

    Une personne de Nolympics Berlin (NN n°94, 3 octobre 1991)

  • Tuesday 09 April 2024 - 07:29

    Venez partager un repas au ptit resto vegan des garagnas, entre adultes ou avec des enfants. Les bénéfices seront reversés à une famille.

    A partir de midi : cantine vegan

    14h30 : ouverture de la bibliothèque de la Gueule noire

    jeux tout l'après-midi

  • Tuesday 09 April 2024 - 00:30

    Le 9 avril 1834, à Lyon, débute la seconde insurrection des Canuts. Après l'échec des grèves de février, puis le vote de la loi contre les associations ouvrières, le jugement des « meneurs » de février, en fait des mutuellistes, ce 9 avril, met le feu aux poudres.

    « Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant »

    Au début de l'année 1934, le patronat juge que la bonne conjoncture économique a fait augmenter de manière excessive les salaires des ouvriers et prétend leur imposer une baisse. En résulte un conflit, des grèves, dont les meneurs sont arrêtés et traduits en justice. Leur procès commence le 5 avril, au moment où la Chambre des pairs discute d'une loi destinée à durcir la répression contre les associations républicaines. Les républicains parviennent à créer un amalgame entre les associations politiques, qui sont en réalité visées par ce texte, et les associations mutuelles ouvrières auxquelles les canuts lyonnais sont très attachés. Aussi, le 9 avril, des milliers d'artisans se soulèvent tandis que les meneurs édictent des « ordres du jour » qu'ils n'hésitent pas à dater du « 22 germinal an XLII de la République ».

    L'armée occupe la ville et les ponts, mais déjà les premières fusillades éclatent avec la troupe, qui tire sur la foule désarmée. Aussitôt, les rues se couvrent de barricades. Les ouvriers organisés prennent d'assaut la caserne du Bon-Pasteur, et se barricadent dans les quartiers en en faisant de véritables camps retranchés, comme à la Croix Rousse. C'est le début de la « Sanglante semaine ».

    De nouvelles fusillades ont lieu avec la troupe. Les insurgés s'emparent du télégramme, du quartier de la Guillotière, puis de Villeurbanne où les casernes sont prises. Le drapeau noir flotte sur Fourvière, St Nizier et l'Antiquaille.

    Le 11 avril 1834
    Les combats se poursuivent. Le quartier de la Croix Rousse est bombardé par la troupe qui a reçu des renforts, massacre de tous les habitants de l'immeuble de la rue Transnonain. Tentatives d'insurrection à Saint Etienne et à Vienne.

    Le 12 avril 1834
    La troupe attaque et prend le quartier insurgé de la Guillotière, après avoir détruit de nombreuses maisons avec l'artillerie.

    Le 14 avril 1834
    L'armée reconquiert progressivement la ville et attaque pour la troisième fois le quartier de la Croix Rousse, massacrant de nombreux ouvriers.

    Le 15 avril 1834
    Fin de la « Sanglante semaine ». La deuxième grande insurrection des Canuts est matée dans le sang. Plus de 600 victimes sont à nouveau à déplorer. 10.000 insurgés faits prisonniers seront jugés dans un « procès monstre » à Paris en avril 1835, et condamnés à la déportation ou à de lourdes peines de prison.

    Sur la première révolte

    Le 22 novembre 1831, à Lyon. Les ouvriers prennent possession de la caserne du Bon Pasteur, pillent les armureries. Plusieurs corps de garde de l'armée ou de la garde nationale sont attaqués et incendiés. Les ouvriers se rendent maître de la ville, qui est évacuée par les autorités. La bataille est rude. Environ 600 victimes dont environ 100 morts et 263 blessés côté militaire, et 69 morts et 140 blessés côté civil.

    Le 23 novembre 1831, à Lyon. Les ouvriers occupent l'Hôtel de Ville. Une tentative de gouvernement insurrectionnel voit le jour. Mais, soit par manque de projet politique, soit par la ruse des autorités, ces dernières reprendront le contrôle de la ville à partir du 2 décembre 1831. Une armée de 26 000 hommes, 150 canons commandée par le fils du roi et le maréchal Soult, mate la rébellion. Il y a 600 morts et 10 000 personnes sont expulsées de la ville.

    À l'origine de ces révoltes

    Vers 1825, un industriel propriétaire d'une filature possède des métiers à filer du modèle A qui fabriquent 100 broches à l'heure. Admettons, le salarié qui s'occupe de cette machine est payé 10 F de l'heure, soit 10 centimes par broche. Deux ans plus tard, l'évolution technologique met sur le marché des métiers à filer qui produisent 200 broches à l'heure. Les gains de productivité du capital technique sont importants et les industriels qui ne posséderont pas ces nouveaux métiers seront inévitablement battus par ceux qui les utiliseront. L'industriel, pour se développer, doit donc être parmi les premiers à pouvoir acheter ces nouvelles machines s'il n'est pas capable de fabriquer lui-même des machines innovantes. De manière à conserver cette capacité à investir et à suivre le progrès technologique, il va imposer le calcul suivant :

    La machine va produire 200 broches mais le salarié n'a rien à voir dans ce progrès technologique, il va continuer à être payé 10 F de l'heure mais rien ne pourra l'empêcher de calculer son nouveau tarif aux pièces : celui-ci sera divisé ici par deux, il passera à 5 centimes par broches. Ce nouveau tarif sera injustement apprécié au regard des manipulations qui vont doubler et fatiguer d'autant le salarié. La répartition de la plus-value est alors totalement en faveur du Capital aux détriments des travailleurs. Les canuts vont se révolter en lançant ce slogan qui sera repris tout au long du XIXe siècle : « le tarif ou la mort » .

    La suite de cet article à lire sur rebellyon.info

  • Monday 08 April 2024 - 19:13

    Coucou, ici le FC Verdéter !
    On est une équipe de foot non compétitive, destinée aux personnes qui n'ont pas facilement accès au foot de manière générale c'est à dire qu'on est ouvert.e.s à tout le monde, tout niveau et toutes envies. L'ambiance est chouette et sans pression, c'est plus pour s'amuser qu'autre chose. On se retrouve tous les mardis et jeudis à 18h au parc François Mitterand (en hiver ce sera sans doute différent, on cherche un autre endroit pour s'entraîner).
    A bientôt alors !